Adrien DELMOND, que nous avons rencontré dans le cadre du groupe de travail sur les solutions alternatives ou complémentaires, est installé depuis 9 ans sur l’exploitation familiale. Après une première expérience professionnelle au sein d’un organisme de conseil agricole, il a rejoint ses 2 parents Lucette et Gilbert, et son frère Julien. Ils sont aujourd’hui gérants d’un GAEC situé au plein cœur de la zone de production du veau sous la mère, en Corrèze.
- Quelles ont été les motivations qui t’ont emmené à repenser la gestion sanitaire de ton exploitation ?
Durant mes années en tant que conseiller agricole, j’ai eu la chance de rencontrer des agriculteurs qui avaient déjà repensé leur système et témoignaient de résultats très satisfaisants. Je savais donc déjà que c’était faisable. Pour moi il était important de considérer le problème de résistance aux molécules de la médecine allopathique, et de chercher des alternatives pour continuer de pouvoir soigner nos animaux sans être dépendants de traitements qui, nous l’avions déjà constaté, avait perdu de leur efficacité pour une part. Sans parler de l’impact que ces produits ont sur l’environnement, la santé des animaux, et notre santé à nous en tant qu’éleveurs au contact de ces molécules chimiques. C’est également l’image de notre métier qui est en jeu. Il est donc important de pouvoir afficher une prise de conscience de l’impact de nos pratiques, de travailler et communiquer sur les autres solutions qui sont à notre disposition. Enfin, j’espérais aussi y retrouver un intérêt économique, mais ça, je n’ai pu le vérifier que plus tard.
- Concrètement, comment es-tu rentré dans cette démarche, et qu’elles ont été les évolutions sur ton exploitation ?
Ça a commencé lors d’un forum ouvert organisé par la chambre d’agriculture de la Corrèze. Le but était de créer des groupes de travail autour de sujets/problématiques commun(e)s. J’ai proposé les solutions alternatives en pensant que ça n’intéresserait qu’un petit nombre d’éleveurs, mais finalement nous étions nombreux. Nous avons commencé par harmoniser notre niveau de connaissance et de gestion sur les questions alimentations et ambiance bâtiment. Il fallait que ça soit un tronc commun, une base sur laquelle allait reposer tout notre travail en suivant. Et puis nous nous sommes formés, grâce à des intervenant spécialisés, qui étaient tous vétérinaires de formation, dans les pratiques de l’ostéopathie, l’homéopathie, l’aromathérapie et la phytothérapie. Le groupe a petit à petit prit plus d’ampleur, alors nous avons créé un groupe de discussion sur l’application mobile WhatsApp. Chacun partage ces questions et/ou solutions, ce qui permet de confronter les avis et de partager l’expérience des plus aguerris avec les moins initiés.
Une fois le tronc commun maitrisé, le plus gros du travail se concentre autour de l’acquisition d’un bon statut immunitaire du cheptel. Cela passe essentiellement par l’apport d’une complémentation minérale adaptée. A partir de là, il ne faut jamais utiliser d’antibiotiques en 1ère intention et laisser l’organisme travailler lors des 1ers symptômes, ce qui donne au système immunitaire l’opportunité de se défendre par lui-même et ainsi de se créer une immunité naturelle. Cela va être vrai pour les maladies respiratoires. Concernant mon approche des traitements contre les parasites externes, je n’utilise pas de solutions basées sur des molécules qui un jour induiront des résistances au même titre que les traitements allopathiques. J’utilise par exemple de la terre de diatomée en traitement contre les poux. Appliquée plusieurs fois à la volée sur le dos des animaux, son pouvoir asséchant va dessécher et tuer les parasites.
- Après huit ans d’expérience dans la mise en place de cette démarche sur ton exploitation, quels sont les constats que tu peux faire ?
De manière globale, depuis que nous avons modifié nos pratiques je constate que les animaux sont beaucoup plus réceptifs aux traitements. Nous avons diminué de 80% les problèmes de diarrhées néonatales et divisé la part de frais de produits vétérinaires par 2. Le nombre d’interventions vétérinaires a aussi considérablement diminué. Un point que je trouve très positif et qui est directement une cause à toutes ces diminutions, c’est que ça demande beaucoup d’observations des animaux. Et c’est en aiguisant notre œil à l’analyse de leur comportement que l’ont devient plus précis et rapide dans nos interventions, et c’est ce qui nous permet de réduire le nombre de fois ou nous devons avoir recours à des traitements allopathiques.
Aujourd’hui, je trouve que c’est une bonne avancée que le programme FECNA s’ouvre à un travail sur ces solutions. J’ai jusque là refusé de m’inscrire dans cette démarche car elle n’avait aucun intérêt dans la mesure ou mes produits ne pouvaient pas être remboursé. Mais je suis maintenant impatient de rentrer dans le système de traçabilité et d’avoir un retour sur la qualité des peaux de mes animaux. Et de continuer de travailler pour des produits de qualités dans le respect du bien-être de mes animaux et de nous éleveurs également.