Adrien Delmond, membre du GAEC Delmond, éleveur de veaux sous la mère sur la commune d’Allassac en Corrèze – Adhérent ELVEA 19. Photo : Adrien Delmond et CIVO.

Adrien DELMOND, que nous avons rencontré dans le cadre du groupe de travail sur les solutions alternatives ou complémentaires, est installé depuis 9 ans sur l’exploitation familiale. Après une première expérience professionnelle au sein d’un organisme de conseil agricole, il a rejoint ses 2 parents Lucette et Gilbert, et son frère Julien. Ils sont aujourd’hui gérants d’un GAEC situé au plein cœur de la zone de production du veau sous la mère, en Corrèze.

  1. Quelles ont été les motivations qui t’ont emmené à repenser la gestion sanitaire de ton exploitation ?

Durant mes années en tant que conseiller agricole, j’ai eu la chance de rencontrer des agriculteurs qui avaient déjà repensé leur système et témoignaient de résultats très satisfaisants. Je savais donc déjà que c’était faisable. Pour moi il était important de considérer le problème de résistance aux molécules de la médecine allopathique, et de chercher des alternatives pour continuer de pouvoir soigner nos animaux sans être dépendants de traitements qui, nous l’avions déjà constaté, avait perdu de leur efficacité pour une part. Sans parler de l’impact que ces produits ont sur l’environnement, la santé des animaux, et notre santé à nous en tant qu’éleveurs au contact de ces molécules chimiques. C’est également l’image de notre métier qui est en jeu. Il est donc important de pouvoir afficher une prise de conscience de l’impact de nos pratiques, de travailler et communiquer sur les autres solutions qui sont à notre disposition. Enfin, j’espérais aussi y retrouver un intérêt économique, mais ça, je n’ai pu le vérifier que plus tard.

  1. Concrètement, comment es-tu rentré dans cette démarche, et qu’elles ont été les évolutions sur ton exploitation ?

Ça a commencé lors d’un forum ouvert organisé par la chambre d’agriculture de la Corrèze. Le but était de créer des groupes de travail autour de sujets/problématiques commun(e)s. J’ai proposé les solutions alternatives en pensant que ça n’intéresserait qu’un petit nombre d’éleveurs, mais finalement nous étions nombreux. Nous avons commencé par harmoniser notre niveau de connaissance et de gestion sur les questions alimentations et ambiance bâtiment. Il fallait que ça soit un tronc commun, une base sur laquelle allait reposer tout notre travail en suivant. Et puis nous nous sommes formés, grâce à des intervenant spécialisés, qui étaient tous vétérinaires de formation, dans les pratiques de l’ostéopathie, l’homéopathie, l’aromathérapie et la phytothérapie. Le groupe a petit à petit prit plus d’ampleur, alors nous avons créé un groupe de discussion sur l’application mobile WhatsApp. Chacun partage ces questions et/ou solutions, ce qui permet de confronter les avis et de partager l’expérience des plus aguerris avec les moins initiés.

Une fois le tronc commun maitrisé, le plus gros du travail se concentre autour de l’acquisition d’un bon statut immunitaire du cheptel. Cela passe essentiellement par l’apport d’une complémentation minérale adaptée. A partir de là, il ne faut jamais utiliser d’antibiotiques en 1ère intention et laisser l’organisme travailler lors des 1ers symptômes, ce qui donne au système immunitaire l’opportunité de se défendre par lui-même et ainsi de se créer une immunité naturelle. Cela va être vrai pour les maladies respiratoires. Concernant mon approche des traitements contre les parasites externes, je n’utilise pas de solutions basées sur des molécules qui un jour induiront des résistances au même titre que les traitements allopathiques. J’utilise par exemple de la terre de diatomée en traitement contre les poux. Appliquée plusieurs fois à la volée sur le dos des animaux, son pouvoir asséchant va dessécher et tuer les parasites.

  1. Après huit ans d’expérience dans la mise en place de cette démarche sur ton exploitation, quels sont les constats que tu peux faire ?

De manière globale, depuis que nous avons modifié nos pratiques je constate que les animaux sont beaucoup plus réceptifs aux traitements. Nous avons diminué de 80% les problèmes de diarrhées néonatales et divisé la part de frais de produits vétérinaires par 2. Le nombre d’interventions vétérinaires a aussi considérablement diminué. Un point que je trouve très positif et qui est directement une cause à toutes ces diminutions, c’est que ça demande beaucoup d’observations des animaux. Et c’est en aiguisant notre œil à l’analyse de leur comportement que l’ont devient plus précis et rapide dans nos interventions, et c’est ce qui nous permet de réduire le nombre de fois ou nous devons avoir recours à des traitements allopathiques.

Aujourd’hui, je trouve que c’est une bonne avancée que le programme FECNA s’ouvre à un travail sur ces solutions. J’ai jusque là refusé de m’inscrire dans cette démarche car elle n’avait aucun intérêt dans la mesure ou mes produits ne pouvaient pas être remboursé. Mais je suis maintenant impatient de rentrer dans le système de traçabilité et d’avoir un retour sur la qualité des peaux de mes animaux. Et de continuer de travailler pour des produits de qualités dans le respect du bien-être de mes animaux et de nous éleveurs également.

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Adrien Delmond, membre du GAEC Delmond, éleveur de veaux sous la mère sur la commune d’Allassac en Corrèze

Le travail du tanneur consiste à transformer la peau d’un animal en une noble matière qu’est le cuir. Cela passe par plusieurs étapes mécaniques et chimiques. Après 15 jours de process, la peau est imputrescible et tannée, stade appelé « wetblue ». Elle possède un aspect bleuté du fait du tannage au sulfate de chrome. C’est seulement à ce stade qu’il est possible d’observer les défauts. Chaque peau est alors classée en plusieurs catégories en fonction du nombre, du type et de l’emplacement des défauts observés.

Il est impossible d’évaluer la qualité d’une peau brute, ou en tout cas très partiellement. Ces premières étapes sont indispensables pour observer les défauts.

Pourquoi s’intéresser à la traçabilité individuelle des peaux ?

Les tanneries Haas s’intéressent à l’amont de la production depuis une dizaine d’années. L’objectif était de comprendre l’origine des défauts issus de l’élevage et de l’abattage et de travailler en partenariat avec les éleveurs/abatteurs pour limiter l’apparition de ces défauts.

Une des problématiques rencontrée a été la traçabilité des peaux. En effet, il était impossible de tracer individuellement les peaux et donc de pouvoir remonter jusqu’à l’élevage. Il était donc difficile de mettre en lien les défauts observés sur les peaux avec les pratiques d’élevage.

Conception d’une technologie adaptée : le marquage laser par le Centre Technique du Cuir (CTC)

Depuis une dizaine d’année, le CTC travaille sur le sujet de la traçabilité individuelle des peaux.

Le processus de tannage est composé de multiples étapes mécaniques et chimiques rendant impossible une traçabilité par simple étiquette : dès les premières étapes du process de transformation de la peau, la traçabilité est perdue. Après essai de plusieurs méthodes, le CTC s’est tourné vers le marquage laser. Le principe de cette technologie est de créer un marquage superficiel composé de chiffres et/ou de lettres qui résiste à l’intégralité du process en brulant la peau.

Le projet Corrèze

Aux tanneries Haas, la réflexion de la mise en place d’une traçabilité laser a débuté avec le projet Corrèze en partenariat avec le Groupement de Défense Sanitaire 19 (GDS 19). L’objectif était de faire un retour aux éleveurs sur les défauts observés et faire ainsi évoluer le protocole sanitaire mis en place. Ainsi, il était indispensable d’avoir un retour d’information par peau sur les défauts observés et par conséquent mettre en place la traçabilité individuelle des peaux.

A ce titre, le CTC nous a mis à disposition une machine par marquage laser afin de pouvoir tester cette technologie. Cela nous a permis de faire des retours aux éleveurs du programme avec le GDS 19 et de voir quelles évolutions il serait intéressant de mettre en place.

La machine a été conçue sur mesure pour la tannerie. En étroite collaboration avec le CTC, nous avons fait évoluer le laser initialement testé pour obtenir un produit au plus près de nos besoins.

Fonctionnement et composition de la machine

Aux Tanneries HAAS, le fonctionnement de la machine se décompose en plusieurs étapes :

  • Scan de l’étiquette de la peau (déposée à l’abattoir)
  • Tri qualitatif de la peau : un opérateur enregistre les défauts observés en peau brute, la couleur du poil etc …
  • Marquage au laser selon le numéro scanné. Le marquage dure moins d’une seconde !
  • Pesée de la peau et orientation vers une catégorie de poids

Toutes ces étapes se font sur un tapis de convoyage, du scan de l’étiquette à la pesée de la peau.

Les informations (défauts, poids…) sont enregistrées et remontées au sein d’une base de données interne à la tannerie.

Cette installation va engendrer une nouvelle organisation pour les équipes. Cependant, c’est un gain important en confort de travail pour les agents qui réalisaient jusqu’à présent ces opérations manuellement (le tri et la pesée des peaux).

Enfin, l’étape essentielle de cette chaine de traçabilité, est la relecture du marquage en Wet-Blue permise par des caméras installées sur les postes de tri des peaux. Ces caméras détectent automatiquement les marquages et permettent d’y associer le choix de la peau et les défauts visibles en Wet-Blue. Ces informations sont remontées dans la base de données et peuvent ensuite être transmises aux abatteurs/éleveurs pour leur permettre de progresser qualitativement.

 

Quel intérêt pour la tannerie ?

Les Tanneries Haas sont pleinement investies dans le projet FECNA. A ce titre, elle se devait de posséder un système de traçabilité individuelle des peaux.

Au-delà de cet engagement, cette technologique comporte deux intérêts majeurs pour l’entreprise :

  1. L’amélioration de la qualité

Tout d’abord, le fait de pouvoir remonter à l’éleveur va permettre de mettre en place des mesures correctives et donc d’améliorer la qualité des peaux. Jusqu’à présent, il était possible de faire un retour à nos fournisseurs uniquement par lot. Cela était peu pertinent pour certains abatteurs et notamment en production de veau sous la mère où les apporteurs sont multiples (à l’échelle d’un camion de 1600 peaux, il est difficile pour l’abatteur de mettre en place des actions correctives). La traçabilité individuelle donne la possibilité de cibler l’origine des défauts et d’agir de façon très précise.

  1. Responsabilité sociétale et enjeux de traçabilité

La traçabilité est un des enjeux majeurs des tanneurs, au même titre que l’innocuité ou la réduction de notre impact sur l’environnement. La traçabilité individuelle des peaux permet une plus grande maitrise des approvisionnements et apporte un certain nombre de garantie à nos clients (origine, respect de la règlementation européenne, bien-être animal, …).

Cet outil de marquage par laser s’inscrit donc à la fois dans l’amélioration de la qualité des peaux et dans la responsabilité sociétale de l’entreprise.

Photo : Tanneries HAAS
Photo : Tanneries HAAS
Photo : Tanneries HAAS

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Marin Vidalenc, ingénieur filière veau chez les Tanneries Haas (67) témoigne sur l’arrivée de la traçabilité individuelle des peaux à la tannerie

Cédric Lachaud est installé en production de veau sous la mère depuis 25 ans sur la commune de St-Rabier en Dordogne. Il s’est engagé il y a un mois dans le programme Filière Excellence Cuir Nouvelle-Aquitaine (FECNA).

« Jusqu’à présent, nous n’étions pas du tout sensibilisés à la qualité de la peau de nos animaux, on n’y pensait pas, explique Cédric Lachaud. Lorsque la technicienne d’Elvea Périgord m’a parlé du projet, cela m’a paru aller dans la continuité de notre production. Nous produisons une viande haut de gamme, cela paraissait normal de produire un cuir de qualité également. »

Engagé depuis un mois, Cédric Lachaud a peu de recul sur le programme. Cependant, il explique que cela ne modifie pas beaucoup ses pratiques habituelles. « La démarche FECNA ne nous impose pas beaucoup plus de contraintes qu’avant. Nous avions déjà mis en place plusieurs pratiques pour favoriser la bonne santé des veaux et le bien-être animal en général, explique-t-il.

Dans le cadre du projet FECNA, il est demandé aux éleveurs de déparasiter leurs animaux et de vacciner contre la teigne en cas de présence sur l’élevage. « Pour les poux, je déparasitais déjà tous mes animaux. Quand les veaux sont infestés, ils pensent plus à se gratter qu’à se nourrir et ils ne profitent pas.

Aujourd’hui, je connais ma problématique principale, c’est la teigne. J’ai acheté un nourrisson il y a quelques années et c’est comme ça que j’ai introduit la teigne dans mon exploitation. Ce n’est pas très sain, ni pour les veaux ni pour nous car la teigne est transmissible à l’homme. Le prochain chantier sera de désinfecter l’ensemble de mon bâtiment pour chercher à l’éradiquer. »

« S’engager dans ce projet, c’est un pari sur l’avenir. Je n’en verrai pas tout de suite les bénéfices financiers, mais ça peut être un plus. Et puis, c’est une démarche de qualité globale ».

Vue aérienne de l’exploitation de Cédric Lachaud

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Cédric Lachaud, éleveur de Veau Sous La Mère à St-Rabier (24) s’est engagé dans le programme FECNA